Enquête sur les gros titres de la caricaturale revue de fait divers "le Nouveau Détective" :
Il s'agit d'un hebdomadaire existant depuis 1982 sous ce nom, mais depuis 1928 sous le nom "Détective" (il est aussi passé par les noms "Qui ? Détective" et "Qui ? Police")
Cible ; les milieux dits "populaires" (recherche d'exaltation et de catharsis, crédulité, identification plus forte aux victimes)
L'idée : plus c'est sordide mieux c'est (scandale = friandise) Reproduction indirecte de la barbarie montrée du doigt

Description de Wikipédia : "Le Nouveau Détective contemporain se singularise, dans la presse, par son traitement du faits divers plus proche du roman-feuilleton du xixe siècle ou de la nouvelle policière que de l'article de presse6, par le biais de la rédaction au présent de l'indicatif, de la présence de dialogues, de la restitution du regard des protagonistes, du registre langagier du roman policier, d'une organisation du récit visant à entretenir le suspense, par l'absence de mention des sources et enfin l'effacement du journaliste qui adopte la posture d'un témoin direct du fait-divers plutôt que celle d'un enquêteur7. Il construit ainsi un monde fictionnel du quotidien où, à la normalité des victimes, s'oppose l'anormalité des agresseurs qui remettent en cause l'ordre social."

Choix des termes (sur un échantillon de 30 numéros) :
Violé(e/r) 11 fois
Tué(r) 7 fois
(ses) enfants/(sa) fille 6 fois
(sa) femme 2 fois
enferme(r) 1 fois
jette/jeter 4 fois
sac poubelle/vide ordure 3 fois
arrache(r) 2 fois
explose(r) 1 fois
visage/figure/nuque/tête 6 fois
étrangle(r) 3 fois
découpé(r) 1 fois
congele(r)/frigo 2 fois
noyé(e) 1 fois
dépece(r) 3 fois
égorge(r) 1 fois
venge(r) 1 fois
dévore(r) 1 fois
brule(r) 3 fois
étouffé 1 fois
carnage 1 fois
balle 3 fois
sadique 1 fois
ange 2 fois
confidences 1 fois
secret 1 fois

+ ignoble 1 fois
abominable 1 fois
insoutenable 2 fois
révoltant 1 fois
odieux 1 fois
incroyable 3 fois
horroble 3 fois
NON ! 1 fois

+ tout un(e)/les ("tout un village", "toute une famille", "toutes les polices")
en plein(e) ("en pleine séance", "en plein visage", "en pleine école")

Arrière plan :
mort (4 fois), dilemme (3 fois), suicide (3 fois), drame (2 fois), fou/folie (2 fois), viol(er) (2 fois), caché (2 fois), piégé, cadavre, enlevé, hanté, fantôme, vengeance, confessions, innocents, sacrifié, massacre.

Commentaire sur le choix des termes et formules :
- Choix systématique du mot le plus violent pour exprimer chaque fait (plus violent = plus raccoleur)
- procédés d'amplification (créant une ambiguité entre prétendu rejet de l'information par compassion/bienséance/effroi et voyeurisme absolu)
- Langage télégraphique (plus choquant + prétention de neutralité)
- Capitales (marquer les esprits)
- Points d'exclamation (choc)
- Points de suspençion (fausse retenue, suggestion d'émotion, développement de l'imagination)
- Soin du détail, de la suggestion narrative : création d'images mentales + extrapolation sur les intentions inhumaines des criminels
(ex : "Il enfonce un pistolet dans la bouche de la petite fille...", "Elle lui a tranché la gorge de ses propres mains", "Leur père est venu les chercher dans leur salle de bain" ou attendrissement morbide "Avant de mourir, ce soir là, la petite a souri à sa mère et elle lui a dit "Bonne nuit maman"".)
Diable Vs Innocence (déshumanisation des criminels - monstrueux, sadiques - et sacralisation des victimes) ("Ils adoptent un enfant POUR LE VIOLER", "Il assassine deux fillettes ET IL RIGOLE DE SON CRIME") = esprit manichéen

Constat général des récurrences et procédés :
- meutres parents/enfants et vice versa
- meurtres mari/femme et vice versa
- victimes très jeunes (2 à 14 ans géneralement) = innocence. Insistance sur le prénom, l'âge et la photo de la victime = accentuer la pitié. Les procédés sont donc systématiques mais les personnes prétendument individualisées.
- emploi du présent : faire revivre la scène
- citations ("S'il vous plait, pas mon enfant !" + confessions/confidences des victimes et des criminels (aspect choc, inédit, réaliste)
- proximité ("serial killer près de chez vous", "le dépeceur de Montréal serait en France", don systématique du nom des villes...) Supposer le pire.
- utilisation de symboles pour créer le pathos (ange, anniversaire, Noël, dernier signe d'affection... ex de métaphore "Un ange mort dans la neige sale" : appel à des clichés populaires. comparaison "Comme on noie un chaton". "Le tueur d'enfants libéré pour Noël", "Assassinée le jour de son anniversaire", "La petite fille qui ne partira jamais plus en vacances"...)
- aspect fatalité ("Le dernier sourire"), ironie du sort ("dans sa propre maison", "crucifié en plein bonheur")
= danger omniprésent, on ne peut faire confiance à personne (ni famille ni autorités). - Notion de complot ("Viols à l'hopital", "Alerte aux faux chirurgiens", "Ils auraient volontairement saboté..") Création de paranoïa
- le nouveau détective est là pour nous dévoiler la douloureuse vérité : formules révélation "L'affaire que les médias ont voulu cacher", "Qui est vraiment untel", "L'émission est truquée : LES PREUVES", "Ce qu'il c'est réellement passé")
- plus il y en a mieux c'est ("Violée, tuée ET dévorée par son invité", "J'ai été violée par 60 hommes en une nuit !", "Violée et torturée pendant 466 jours".)
- info insouciante insitant à la consommation compulsive au milieu du fatras de glauque ("Notre jeu de l'été : Retrouvez Gégé et gagnez un voyage à l'autre bout du monde". Autre bout du monde = là où l'on sera protégé de ses abominations)

(L'aspect caricatural de ce journal l'éloigne des médias les plus courants, mais de manière moins criante (et donc peut être d'autant plus vicelarde), ces seconds usent du même type de procédés.)

Tests de principes oulipiens :

L'algorithme de matthew :

1/
"Le sadique du triangle maudit frappe une neuvième fois !"
"Les jeunes mariés massacrent père et mère"
"Son cerveau explose en pleine séance"

devient

"Les jeunes mariés frappent en pleine séance"
"Son cerveau massacre une nauvième fois !"
"Le sadique du triangle maudit explose père et mère"

ou

"Les jeunes mariés explosent une neuvième fois !"
"Le sadique du triangle maudit massacre en pleine séance"
"Son cerveau frappe père et mère"

2/
"Il arrache les yeux de sa femme"
"Elle tue un braqueur de ses mains"
"Elle enferme sa fille dans un sac poubelle"

devient

"Il arrache le braqueur de son sac poubelle"
"Elle enferme des yeux de ses mains"
"Il tue sa fille dans sa femme"

ou

"Il arrache sa fille de ses mains"
"Il enferme un braqueur dans sa femme"
"Elle tue les yeux de son sac poubelle"

S+7
"Elle tue son mari et fait manger le cadavre à ses chiens"

devient

"Elle tuméfie son marieur et fait manier la cadette à ses chieries"