Nous avons finalement porté notre choix sur Google actualités, qui est un exemple type d’agrégateur de news. (Notre but est de reproduire à l’identique cet agrégateur et de permettre un brassage aléatoire et en temps réel de ces gros titre selon le principe du perverbe pour en démontrer l’absurdité tout en restant parfaitement réaliste. Car quel est le but d’un agrégateur si ce n’est, de toute manière, un mixage d’actualité ?)
Agrégateur de news = regroupement numérique d’informations venues de différents journeaux pour prétendre à une information représentative, diversifiée et condensée.

Caractéristiques de Google Actualités :
- Changements incessants (renouvellement, roulement de l’actu), même à l’intérieur d’une journée (volonté d’actualité en temps réel).
- Catégories (par défaut, car on peut en supprimer) : «à la une» (essence prétendue de l’actualité, encore plus synthétique), «recommandations», «international», «France», «économie», «science/high-tech», «culture», «sport», «santé»
- Un gros titre + une image + un résumé succint de chaque article disponible dès l’ouverture du portail, un article plus complet mais malgré tout très court s’ouvrant lorsque l’on clique sur un titre.

Analyse ponctuelle : Le 24/12/2015, à 14h30, thèmes principalement représentés ; les attentats de Paris et le positionnement des corses face à la nationalité française (ce qui est directement lié au repli identitaire attendu des français après les attentats).
Du reste, informations essentiellement pessimistes (bavure au Mali, pollution en Chine, incendie d’un hopital en Arabie Saoudite, décès, mises en garde, condamnations, malaise, bébé secoué, grève... même dans les informations à priori neutres, on remarque les termes de «déchéance», «renonce», «opposer». Et la grippe tarde à venir donc il est encore temps de se vacciner (inquiétude plutôt qu’insouciance) et le chômage est en baisse mais c’est une bonne nouvelle «à nuancer». Dans tout cela, les informations gaies émanent de la culture (culture mainstream : les Beatles, Tarantino, Metallica...) mais surtout du high tech (nouveau smartphone et cie... dont une pub indirecte pour Google lui-même ! Google arrive donc d’approprier le succès de médias divers pour étendre son quasi-monopole à l’information elle-même.) (On remarquera d’ailleurs l’intéressante réunion des sciences et du high tech dans une catégorie, les gadgets en veux tu en voilà semblant autrement plus représentés que la recherche médicale ou spatiale... Aujourd’hui dans cette catégorie : «Galaxy A9 : Samsung sort un smartphone de 6 pouces», «WhatsApp : lancement imminent du chat vidéo», «Windows 10 : Microsoft va encore plus pousser mais laissera le contrôle à l’utilisateur», «Google remplace les rennes du père Noël par des robots».)
Mélange raffiné donc entre informations morbides et dramatiques et informations parfaitement superficielles, nous incitant à une joyeuse consommation compensatoire.

Pourquoi ce choix d’un agrégateur de news ? Car celui-ci est bien plus symptomatique qu’un journal papier de toute la logique d’informations de notre époque ; expéditive, numérique (donc accessible à tout instant), gratuite (donc de basse qualité, mais OSEF), «bouche-trou» (lecture dans les transports, entre deux moments d’action...)
Une logique de facilité en tous points ; dématérialisée, instantanée, opportuniste, consommable. Du picorage passif qui se dit actif sous prétexte de l’interactivité propre à un portail numérique. (D’autant plus que Google News se revendique personnalisable, le principe étant de pouvoir supprimer des sources selon nos centres d’intérêt. A partir de là, maîtres du jeu apparents nous ne remettons plus rien en cause. Ni les fourneaux participants par défaut, ni la raison de la sélection d’informations plutôt que d’autres, ni leur apparition «à la une» - soit l’importance qui leur est accordée, ni leur ordre... et encore moins ce principe même d’articles ultra-courts, tels de la bouffe déshydratée.)
Il y a ici une sorte de non-sens, car à quoi sert de s’informer si ce n’est pour mieux comprendre ce qui nous entoure, être plus critique ? La démarche de grignotage au buffet d’informations des agrégateurs est pourtant inverse, puisqu’il s’agit d’une absorption bête et méchante d’échantillons d’information, pré-machés, sélectionnés pour nous, filtrés, conditionnés. Aucun article creusé à l’horizon.

Il s’agit surtout d’élargir notre propos en passant de l’aspect très ciblé du Nouveau Détective et compagnie à la prétention d’universalité de Google News. Faire le lien entre ces médias vulgaires que l’on moque si facilement (et dont nous ne nous reconnaissons pas dans le lectorat) et nos propres habitudes qu’accompagnent les sources d’information que nous jugeons crédibles, car ils existent entre les deux des similitudes que nous ne pouvons pas ignorer... Bien sur, il est plus difficile de rire de soi que des autres. Et c’est pour cela qu’il faut s’y forcer. Il est donc temps de passer de la caricature pathétique et patente des faits divers obscènes à la subtile perversion - d’autant plus mesquine qu’elle prétend à l’objectivité - de l’actu de tous les jours, dans les médias lus par tous. Manière intéressante de découvrir son propre voyeurisme... et sa tendance à gober sans problème tout ce que l’on nous propose. A défaut de temps (c’est à dire d’énergie et d’envie) pour se renseigner en profondeur sur un sujet et plus encore pour comparer par soi même plusieurs journaux, nous nous en remettons aux agrégateurs. Ceux-ci ont ce quelque chose de «lissé», de consensuel et d’impersonnel qui permet de ratisser large, de plaire au plus grand nombre malgré un élagage d’informations plus radical que dans n’importe quel journal. Avides de tout savoir tout de suite, nous n’apprenons donc rien, et gagnons cependant la prétention dangereuse de savoir. Les médias nous mettent dans un état d’angoisse qui nous amènent à nous méfier de tout... si ce n’est d’eux. Passe partout, ces agrégateurs n’inspirent aucune méfiance, d’une bienveillante et altruiste neutralité et d’utilité publique en apparence, sans que l’on réalise un instant l’immensité de leur influence, bien plus pernicieuse qu’un marginal journal de faits divers.

(Ce concept de reprendre le contenu et l’apparence de Google News pour le tourner en dérision mène à une application assez passive - ou plutôt, aussi passive que nous le sommes face à un agrégateur ! Mise en abime, donc, et parallèle entre l’accélération qu’implique l’usage des agrégateurs et celui d’une tablette ou d’un mobile.)

Exemples de perverbes :

Pollution en Chine: «C’est une proposition perverse qui divise les Français»

Déchéance de la nationalité : le fils de mineur devenu ministre socialiste

«La langue de la Corse, c’est le corse», pour Cécile Duflot « voter contre s’impose »
«Dans les aéroports, dans les gares, sur Internet ou en traversant la rue, à la boulangerie, au boulot, à l’école, en vacances, au supermarché, au café, à la radio, à la télé…, on prend soin de nous, on nous informe, on nous (dé)conseille, on nous empêche, on nous canalise, on nous prend par la main, on nous scanne, on nous demande de rester de l’autre côté de la ligne, on nous dévisage, on nous touche, on nous regarde dans le sac, on ne peut pas annuler la commande, on nous demande l’autre carte, on nous réclame un justificatif, on exige un doigt puis l’autre, on nous prie de retirer le casque, on nous laisse attendre dans le sas, on nous regarde en coin, on nous demande de ne pas sourire, et on nous explique que tout ça, c’est « pour raisons de sécurité ». Et si cet air du temps sécuritaire allait contaminer jusqu’aux grands classiques de la littérature ? Ce livre propose une série d’incipit de romans célèbres (signés Proust, Queneau, Camus, Perec, Nizan, Austen, Nabokov, Kafka, etc.), légèrement adaptés « pour raisons de sécurité ».»

Référence en matière de démonstration de paranoïa, et de mise en valeur du ridicule et déformation impunie du sens d’une phrase par le jeu de mots...
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